Partir pour apprivoiser l'âme du monde.Pour les trouver tous ces regards qui donnent leur éclat aux étoiles. Partir pour fouler en un seul pas toute l'immensité de notre Terre...Nous serons enfin la goutte dans l'Océan, le grain de sable dans le désert, la minuscule particule de rosée dans la profondeur de cette vaste Forêt. Et le plus magique dans tout cela...c'est que nous le serons, ensemble !

mardi 19 juillet 2011

Quand est-ce qu'on mange?? - Malaisie

Quand est-ce qu’on mange ?? – Malaisie

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Hummm… Où en étions-nous...? Rappelez-vous notre peur en montant dans cet avion à Karachi…La Malaisie demanderait à tous ceux désirant séjourner sur le territoire, un billet d’avion retour vers le pays de résidence ou un autre pays. Rappelez-vous qu’une agence nous a même refusé de vendre des billets à l’aéroport de Karachi et n’a rien voulu entendre au fait que nous voyageons par la terre, en voiture et que c’était donc pas possible que nous prenions un avion pour sortir de Malaisie. Nous avons finalement réussi à acheter des billets auprès d’un autre comptoir, mais sans la certitude qu’une fois à Dubaï (escale) on ne nous refuserait pas de monter dans l’avion voyageant vers Kuala Lumpur…Surtout que, lorsqu’on navigue sur des eaux peu chanceuses pendant un petit bout de temps, on a tendance à oublier qu’on a déjà eu de la chance - même beaucoup de chance _ et à imaginer le pire : à Dubaï, expulsés vers la Belgique ou le Pakistan avec notre maison qui se paie une croisière à la croisée des océans, en 7 jours débarquée à Port Klang en Malaisie…
Mais ce n’est pas à Dubaï que nous avons eu notre effroi, mais encore bien à l’aéroport de Karachi lorsque nous allons pour enregistrer nos bagages et prendre le ticket d’embarquement et qu’on nous demande nos billets aller-retour vers la Malaisie. Nous voilà partis dans la même explication « nous voyageons par la terre, nous avons un véhicule qui arrive dans une semaine… », mais cette fois avec davantage d’assurance et même un brin d’exagération. Après presque 3 mois au Pakistan, nous pouvons dire que nous connaissons assez bien les mentalités et combien celles-ci sont impressionnées par les mots « official documents » et des certificats, diplômes, titres, cachets et tampons de toutes sortes. Sur les routes des campagnes les plus désolées, vous voyez souvent des pancartes annonçant « The Cambridge prestigious Official British International Business University from Pakistan », parfois bourrée de fautes d’orthographe et, en regardant le terrain vague boursouflé par quelques cabanes aux chapes de plomb, vous vous demandez où peut donc diable se cacher cette prestigieuse université…Vinh a également pu assister à la fabrication artisanale, « home made », d’un certificat ISO par un garage. C’est donc en brandissant le Carnet de Passage en Douane (passeport de la voiture qui vaut au moins 5000 euros…), cacheté de partout, sourcils froncés et mots importants en bouche qu’ils nous disent que c’est ok. Avant cela ils nous font quand même mettre de coté et appellent je ne sais qui… (Comme on embarque quand même avec Emirates - la compagnie qui nous refusa les billets - nous tremblions à l’idée qu’ils appellent leur chef et lui parlent de nous…et qu’il nous reconnaisse).

À Dubaï cela s’est passé sans le moindre problème, et après 7 heures de vol lorsque nous passons aux douanes à l’aéroport de Kuala Lumpur, c’est sans plus de questions qu’on nous tamponna le visa dans le passeport. Comme une lettre à la poste !

Ah ! Cela faisait au moins 5 mois que nous n’avions plus baigné dans une telle modernité ! L’aéroport de Kuala Lumpur n’a rien à envier à celui de Zaventem, au contraire !

Nous sommes complètement crevés, cela fait 24 heures que nous n’avons pratiquement pas dormi et les derniers jours ont été réellement très éprouvants, surtout en stress. Ce n’est toujours pas de tout repos : nous ne savons pas où dormir cette nuit (nous sommes sans notre maison). Nous avons bien envoyé quelques demandes par couchsurfing, mais n’avons rien eu de concluant. Il faudra qu’on aille sur internet et qu’on appelle quelques unes de ces personnes. Mais avant cela, on va prendre un peu l’air - et la température - à l’extérieur de l’aéroport. L’air est lourd et chargé d’humidité, néanmoins pas autant qu’à Karachi et le soleil est plus clément. Il fait chaud certes, et la peau s’entoure vite d’une sorte de filtre poisseux, mais on n’a pas de gouttes qui dégoulinent sur le corps.
Voilà la ville telle que l’imagination de Vinh la concevrait : des bâtiments modernes mais au sein desquels la nature se fait une place royale. C’est la route qui s’est frayée une voie parmi les arbres touffus au feuillage abondant et pas l’inverse, des plantes grimpantes envahissent les murs en verre ou en béton, des jardins poussent sur les toits. Cela fait plaisir de voir autant de vert dans une ville et, surtout, du vert qui ne soit pas jonché de détritus.




Nous appelons quelques uns de nos contacts de couchsurfing. Finalement, il est convenu que nous irons passer la nuit chez Yi-Wei. On le surprend un peu, il ne s’y attendait pas…mais nous offre l’hospitalité pour deux jours. Seulement, le rendez-vous est à 22 heures 30 (il y a 3 heures de décalage avec le Pakistan), et je suis littéralement CREVÉE. Voilà une des situations ordinaires qui exprime assez bien pourquoi notre voyage n’est pas des vacances !! Habituellement qu’est-ce qu’ils font les gens quand ils débarquent de leur avion et sont crevés ? Ils vont se taper un petit som’ à l’hôtel précédé d’une bonne douche. Ici, moi, je vais me taper Kuala Lumpur pendant 6 heures au moins avant de pouvoir effleurer les draps qu’on m’offre. Ville que j’ai très envie de découvrir, mais pas vraiment dans ces conditions. Finalement, et heureusement, « le voyage nous fait ou nous défait « (dixit Nicolas Bouvier dans « l’Usage du monde ») et une petite sieste d’une heure dans le bus nous amenant au centre ville suffit pour retaper mon corps, et mon mental, assez en tout cas jusqu’au rendez-vous avec notre hôte ce soir. Vinh, par contre, outre l’absence du besoin de manger et de boire, je lui connais maintenant aussi l’absence du besoin de dormir. Je vous le dis, cet homme là n’est pas humain !!

Jusqu’au rendez-vous avec Yi-Wei, on s’ébroue dans le centre ville, près des Petronas Towers que notre hôte nous avait conseillé de découvrir la nuit. Qu’est-ce que ça fait toute cette modernité géante après 2 mois et demi au Pakistan ? D’abord, ça fait du bien. C’est un peu comme un bon massage après avoir marché trop longtemps pieds nus. Cela repose l’âme aussi. Mais ce qu’on sent par la suite c’est que…si le massage dure trop longtemps, on finit par ne sentir plus rien.

S’élèvent autour de nous des tours de glace qui reflètent le brillant propre et réservé du bleu de la nuit. Cela caresse l’âme comme l’eau cristalline et on pense même que les formes de la modernité ne sont pas toujours moches. Nous n’avons pas pris de photos parce que la batterie de notre appareil nous a lâchés juste au moment où on voulait faire la mythique photo des Petronas towers de nuit.
Où est-ce qu’on va trouver un petit restaurant pas cher dans tout ce luxe (il ne faut pas oublier qu’ici, c’est plus cher qu’au Pakistan)? On finit par trouver une sorte de restau-cantine, une grande terrasse protégée par un toit, où en plus de manger bon marché, nous avons réellement bien mangé ! En tout cas cela faisait longtemps que nous n’avions pas aussi bien mangé ! Des nouilles, yyyooooooooooouuupppiiii ! … et autre chose que du poulet ! Nous avons assisté à notre première pluie tropicale et, sortis du restaurant, avons joyeusement pataugé avec nos pieds dans l’eau, et un peu glissé aussi. C’est à ce moment là que je me suis rendue compte que les sandales que j’avais achetées dans une des boutiques de l’aéroport de Karachi, en attendant notre vol, pour évacuer les dernières roupies, n’étaient pas en cuir , comme le disait le vendeur, mais en…carton.
En voyant mon paquet de cigarettes pakistanais, les serveurs nous ont demandé d’où on venait. Nous leur avons répondu que nous venions du Pakistan. Eux, ils viennent de l’Inde, ils y ont la même marque…
Donc, venons-en aux données anthropologiques s’il-vous-plaît ! La Malaisie est un pays musulman qui compte des sultans pour chaque province. Les Malais, musulmans donc, sont la majorité. Viennent ensuite les Chinois, puis les Indiens. La communauté la plus forte économiquement est celle des Chinois qui ne contrevient pas à son ancienne tradition de commerce et son don historique pour le « business ». Les Malais étant placés dans les administrations et postes gouvernementaux, les Chinois dans le « business », les Indiens sont, quant à eux, bien-sûr, les plus pauvres s’attelant aux besognes qui restent…celles dont les autres ne veulent point. N’allons pas vite dans le jugement, ici nous ne sommes qu’au premier jour…Les jours suivants nous apprendront comment vivent ces trois communautés ensemble (cohabitation de différentes communautés, un sujet qui ne nous est pas si étranger n’est-ce pas .. ?).
À cause de notre ignorance du fonctionnement des transports, du fait que nous n’avions qu’une carte pour téléphoner à partir des cabines mais que toutes celles que nous avons trouvées étaient cassées, et que nous devions encore aller sur internet pour confirmer le lieu de rendez-vous, nous étions en retard de 45 minutes à notre premier rendez-vous ! Notre hôte nous a attendus bien patiemment à la sortie du métro convenu pour nous amener chez lui. À cette heure là, je devais vraiment avoir une tête de travers, parce qu’après une bonne nuit dans un lit douillet et une pièce rafraîchie à l’air conditionné, Yi-Wei vante ma bonne mine et me dit que je « n’ai vraiment pas la même tête qu’hier ». Hummm…
Cela dit, il le dit alors que nous sommes tous les trois attablés autour d’une soupe de nouilles, que le soleil brille, qu’il ne fait pas trop chaud, que je peux ENFIN mettre des manches courtes, dans un boui-boui où les chinois lisent le journal avant d’aller travailler,…et, il n’y a rien à faire, j’aime les ambiances de petit déjeuner ! Et puis je goûte au café glacé ! C’est un délice !! Absolument, j’ai envie d’hurler au soleil ! Du café, enfin ! Et glacé sous les tropiques c’est encore mieux !




Yi-Wei a un itinéraire et informations touristiques préparés pour tous les voyageurs passant par chez lui. Nous allons faire un tour d’après celui-ci, mais finalement nous ne faisons pas beaucoup ce jour là car nous avons appris que la maman de Vinh est à l’hôpital et on est un peu préoccupé.
Nous déambulons dans un quartier très vivant, grouillant de couleurs et de vie et c’est la première fois depuis le début de notre voyage que nous voyons autant de touristes. Ca sent la nourriture à chaque coin de rue et il y a des petites boutiques absolument partout. Nous passons beaucoup de temps dans le temple indien, Sri Mahamariamman, où nous assistons à une cérémonie hindoue.







Ensuite, quelques tergiversations dans le Central Market, éblouis par les couleurs chatoyantes, les objets recherchés…enfin, recherchés surtout pour les touristes. Cependant, il faut le dire, cela fait du bien de voir de l’abondance même si on ne la cherche pas et on sait que ce n’est pas le plus important. Voir de l’abondance, ne signifie pas la consommer. Les prix ici sont très élevés et j’ai très envie de m’acheter telle jupe à volants ou pantalon Aladin aux couleurs et motifs surnaturels, mais j’ai l’impression de faire du shopping rue Antoine Dansart. On se contente alors de voir miroiter nos rêves dans le nacre des coquillages que l’on pend aux chambranles, d’humer les effluves hippies d’un encens qui nous fait penser à la galerie Agora, on s’extasie dans une boutique toute rose et rouge aux accents dorés, remplie à ras bord de chinoiseries toutes ravissantes, craquantes et complètement inutiles que l’on se voit bien offrir à untel ou unetelle. Ah oui, c’est la première fois aussi que je vois que l’on peut se faire masser les pieds en les plongeant dans un aquarium plein de petits poissons !

Nous déambulons dans Petaling Street, grand marché chinois, les rues déjà petites, encombrées, divisées en deux allées, des rangées de t-shirts, de slashs, de lunettes de soleil et de bouffe, que de bouffe ! Puis, sur les cotés, des restaurants encore, coréens, chinois, japonais…Nous, finalement, on opte pour un Food Court, comme celui dans lequel Yi-Wei nous a amenés le matin : c’est un endroit où on peut déguster une grande variété de cuisines (chinoise, indienne, malaise, japonaise, vietnamienne et même portugaise (pas toujours, je l’ai vu juste une fois)! ) car différents « « stands » » proposent des plats et on n’a qu’à faire notre choix ci et là que tout nous est apporté sur notre table. C’est ce soir là que j’ai fait une folie. Je me suis rappelée que l’on pouvait enfin boire de l’alcool, alors je nous ai commandé une bière… Le truc c’est qu‘elle était énorme et coûtait 3 fois le plat ! Mais après 4 mois sans siroter une petite bière, comment ne pas la déguster avec plaisir ?




Le lendemain, nous déambulons encore dans Kuala Lumpur et sommes abasourdis par l’efficacité et la modernité de leurs moyens de transports ! Celui que nous utilisons le plus souvent est le skytrain qui offre une vue panoramique sur la ville.




Par contre, on y gèle ! Décidément, ils ne s’en privent pas de l’air- co ; la différence entre l’air extérieur et intérieur est abominable et ce également dans les magasins. Je suis très préoccupée par toutes ces gambettes nues que l’on voit défiler à longueur de journée susceptibles de s’enrhumer (venant du Pakistan, on ne remarque que ça !) ; les chinoises aiment les shorts ! Et à coté d’une chinoise qui aime les shorts, il y a une malaise qui porte le foulard et une tunique bien large et, je dois le dire la mode malaise est…très moche, aux motifs fleuris dont les couleurs fades et sans éclat se brouillent, s’évanouissent. Devant nous, dans le skytrain, deux femmes, une malaise et l’autre indienne, marquée d’un point rouge sur le troisième œil, sont pliées de rire sous l’effet d’une connivence fort complice ; l’indienne semble raconter de bonnes blagues…
Tout le monde a l’air de bien s’entendre ici. J’ai même vu un groupe très hétéroclite composé d’une indienne, un africain, un japonais, un malais qui rigolaient bien aussi, mais ça n’avait pas l’air d’être sous l’effet de blagues, mais d’autre chose, …qui est ici punie par la peine de mort. Jamais je n’ai surpris un regard en coin, méprisant, entre des personnes de communautés très différentes et dés le début cette harmonie apparente m’intriguait, comme si c’était impossible d’y croire, au vu de ce que nous avons l’habitude de voir dans nos pays.

Ce soir, on ira loger chez Rica. Yi-Wei nous retrouve pour nous donner nos sacs-à-dos et a envie de nous montrer le night market ayant lieu dans le quartier. C’était une très mauvaise idée car c’est juste avant le souper prévu avec Rica et, le night-market, c’est le paradis de la nourriture !! Des brochettes à la sauce aigre-douce, des fruits de mer grillés, des œufs de cent ans, des « sushis » aux couleurs et formes surprenantes, des beignets, des « crêpes », des brochettes de légumes, des bouteilles contenant des liquides aux couleurs équivoques mais 100% naturelles…Tout ça dans un mariage excentrique de fumée, d’odeurs variées, et de passants aux voix criardes qui se remplissent la bouche joyeusement et sans complexe. Les chinois aiment manger.






On retrouve Rica et elle nous amène dans un Food Court un peu plus grand et raffiné que les précédents. C’est là que je vois un stand « Poisson grillé à la portugaise »… On découvre le délicieux jus de pastèque. Rica est très curieuse de nos aventures et absolument emportée par l’idée que nous voyageons en camion, elle n’en revient pas et veut absolument le voir ! Il faudra attendre qu’il débarque au port…sûrement dans 4 jours…
Rica a déjà voyagé en Europe en sac-à-dos ; elle est comptable et s’ennuie éperdument au travail. Comme beaucoup de Chinois - selon ses dires - elle a été poussée par la famille à mener des études scientifiques, mathématiques ou relatives aux affaires…néanmoins, elle rêverait d’un métier davantage passionnant.




Après le délicieux repas duquel nous partons repus et fatigués d’avoir trop parlé, nous rentrons à la maison. Rica vit dans un grand immeuble à appartements dont les portes sont sécurisées par des barreaux ! Je dois avouer que cela m’a beaucoup choquée, cependant nous observerons que la plupart des habitations en possèdent ! De son étage, on peut observer la piscine commune en contrebas. On s’imagine alors qu’elle doit vivre avec ses deux enfants dans un appartement assez confortable…En y allant, elle nous a d’ailleurs « prévenus » que sa «femme de maison » était très excitée de faire notre rencontre car ce sera la première fois qu’elle fera la connaissance de touristes ! Depuis quelques temps, Andrea est venue vivre avec Rica et ses deux enfants.
Rica et Andrea sont des prénoms adoptés. Il paraît que les Chinois adoptent un prénom occidental, surtout lorsqu’ils rentrent dans la vie professionnelle, autrement les personnes ne se souviennent jamais de leurs vrais prénoms…Je comprends, depuis que je suis en Asie, j’ai beaucoup de difficultés à me souvenir d’un prénom…
Après avoir ouvert la lourde grille de prison, nous rentrons dans une petite pièce à fenêtre unique, très simplement meublée, éclairée à la lumière blanche d’un néon et envahie par les livres d’école, un tas inimaginable de linge à repasser, des jouets…Deux enfants de 6 et 8 ans accourent : une petite fille et son aîné. Visages d’une pâleur translucide et délicate encadrés par des cheveux noirs et petits yeux tirés intelligents et sensibles. Le garçon est surexcité, il commence à courir dans tous les sens en poussant des cris de Pokeymonn. La petite fille nous gratifie d’un salut sage et rodé. Rica appelle Andrea qui tarde à sortir de la salle-de-bains. Finalement, en sort une jeune et jolie fille qui finit de se sécher les cheveux avec un essuie et qui nous accueille avec beaucoup de naturel et de fraîcheur.
Les enfants veulent jouer. Au calcul ! Vinh et moi nous nous faisons interroger par le petit garçon qui note nos points sur un tableau…Misère…Pour la première fois j’ai eu peur d’un enfant, et que ce jeu ne fasse que me rappeler mes piètres capacités en calcul…Mais bon, ça été.
Pour les enfants nous sommes désormais MaiMai et TséTsé : grande sœur, grand frère.
Nous plongeons rapidement dans un sommeil profond, chacun dans un lit d’enfant, les lettres de la calligraphie chinoise qui badinent sur des feuilles accrochées aux murs défraichis qui très vite se mettent à danser devant nos yeux…

Les 2 jours qui suivirent nous nous occupâmes pendant la journée à effectuer quelques démarches préliminaires au débarquement du camion et avons un peu traîné dans la ville aussi. Une des démarches est la falsification des papiers du véhicule. En effet, on ne peut pas rouler en Malaise avec un camion de plus de 15 ans d’âge et le nôtre, vieillot, a 22 ans. Avant de chercher à souscrire à l’assurance il faut donc produire un document acceptable. Photoshop, changement de deux petits chiffres, une impression la plus crédible possible et le tour est joué.

Vinh est vraiment émerveillé, il n’arrête pas de faire des plans de vie future en Malaisie : bonne bouffe, climat d’été toute l’année, belles plages, nature partout…Pour ma part, j’avoue, il y a une bonne partie de mon âme qui n’est pas encore séduite à ce point.. et oui, même si on y mange bien, ça vous étonne ??
Nous avions aussi rendez-vous avec Rica après son travail et elle nous amenait manger dans un endroit différent chaque soir.






Andrea nous accompagnait à chaque fois. En fait, c’en est une drôle de « femme de maison »…Andrea fait son stage de fin d’études à Kuala Lumpur en…ingénieur aéronautique !! Lorsque nous allons nous coucher (vers minuit), elle est plongée sur ses cahiers et lorsque nous nous levons vers 7 heures du matin, elle y est encore ou plutôt, déjà…Elle dit adorer la matière sur laquelle elle travaille. Andrea vient d’un petit village un peu éloigné, c’est pour cela que Rica l’héberge en échange d’un coup de main avec les enfants. Mais en vérité - cela n’a pas été dit, mais observé -, et c’est très beau, elles sont surtout devenues bonnes copines. C’est très beau parce que dans son petit appartement de mère célibataire qui rêve de prendre le large en des aventures passionnantes, il y avait certainement un petit abîme de solitude qu’Andrea est venue garnir avec son énergie tenace, sa voix claire et intelligente, ses yeux pétillants et son âme fraîche comme une source ! D’un autre côté, les rêves de Rica, sa soif d’Autre lui ouvrent des horizons fascinants.

Rica nous a gratifiés d’un très joli et élogieux commentaires sur couchsurfing. C’est le moment de frimer un peu, allez. Vous savez toujours comment les autres nous bousculent le cœur, mais jamais l’inverse… :

** SUPER-POSITIVE **

My kids, my housemate & myself really enjoyed both Gisela & Vinh's company
& stays with us. We are still very eager to 'meet' your truck - came a long
way with some nice interesting stories enough to tell your children walking
down amazing memorable memory lane. I am truly AMAZED by both of your
travel experience, especially those in Pakistan & Iran. I met many types of
travelers all these years but I never met anyone like u2 travel with a
truck. Hence, from the bottom of my heart, I feel extremely honored &
fortunate to meet u2.

My kids are still waiting for your trip back here. Please please visit us
before your flight back to Belgium. Or else we all 4 would be very
heart-broken.

Your spirit of travels & both your lovely relationship with each other
DEEPLY IMPRESSED me! Beyond words, truly beyond words, experience like this
makes me loVing CS even more!


Le week-end Rica part avec ses enfants et Andrea dans son village natal, chez ses parents, car les enfants y restent pendant une partie des vacances scolaires. Elle nous propose de les accompagner, mais à vrai dire Vinh et moi avons grandement besoin de nous reposer et vous savez comment c’est avec les enfants…surtout lorsqu’ils ont l’esprit plutôt mathématicien !!
Profitant du fait que c’est le week-end et que nous ne pouvons avancer dans aucune matière administrative, nous décidons plutôt de partir de KL et de nous rendre à Malacca qui ne se trouve pas sur notre chemin une fois que nous aurons le camion, et qui est pourtant une ville super intéressante d’un point de vue historique…puisque les portugais y ont été (;-)) !
Bon, ok, ils n’ont pas été les seuls…puisqu’ils ont été suivis par les anglais et les hollandais. Et, en fait, il n’y a pas vraiment pas de quoi être fière…puisque la colonisation portugaise - comme les autres, et contrairement à ce qui est dit dans les manuels scolaires portugais à propos de « comptoirs commerciaux »… - a fini par déstructurer complètement la société autochtone, déstructuration qui s’est complétée par un bain de sang et un épuisement socio-économique alors que, avant le colon, avec les ressources dont il disposait, l’autochtone faisait plutôt pas mal…
Il y a des traces qui sont comme des cicatrices d’autres, comme des tableaux…La colonisation européenne est visible et remarquable dans l’architecture de la ville et quelques monuments d’époque attestent de sa présence, comme des églises ou le fort portugais…Il y a d’ailleurs un navire de style portugais transformé en musée qui raconte l’Histoire de la colonisation.






Outre l’esprit « européen » qui imprègne la ville, il y a bien-sûr les Chinois qui ont bâti une rue magnifique classée Patrimoine de l’Humanité avec des magasins à profusion, que cela en devient écœurant…des magasins de tout et n’importe quoi, du très beau et du super laid que l’on ne peut surtout pas photographier (ils ont peur que l’on leur vole l’idée de minuscules porte-clés aux têtes de benêts monstrueux…), des charmantes petites maisons en bois aux volets colorés, fleuries aux balcons, avec le souffle d’un vent presque imperceptible qui fait tinter les carillons.






Il y a aussi leurs temples rouges et dorés qui sentent l’encens et le vieux tapis, que l’on a décorés avec enjouement d’une myriade de bouquets de fleurs artificielles.




Et puis, des touches saisissantes d’Inde avec leurs magasins aux bijoux criblés de turquoises, bindies et vêtements que les Indiens ne portent pas, mais bien ceux qui aiment l’Inde…Et des temples aussi desquels surgissent des personnages captivants, mais la plupart du temps empâtés et empêtrés dans des histoires compliquées avec des monstres, des serpents géants multi-têtes et comme si cela ne suffisait pas, ils naviguent sur un coquillage… Comme ce temple au bout de la rue principale du quartier des Chetti.




Les Chetti sont une communauté de descendants de malais qui se sont mariés avec des indiens. À Malacca, ils ont un quartier à eux, très charmant, maisons basses en bois, petites et entourées de verdure, dont l’entrée est bénie par la présence de dieux hindous. La maison semble le plus souvent pauvre, néanmoins les voitures garées sèment le trouble.
Il y règne une atmosphère d’harmonie poétique et modeste que l’on respire avec soulagement après le faste épais et scintillant du quartier chinois.






Il y a aussi un quartier portugais à Mallaca. Il s’agit de descendants de colons portugais parlant encore un portugais, le Cristao, datant du XVIème siècle ! Evidemment, nous n’avons pas pu manquer le quartier à l’heure de manger ! Ils font essentiellement des plats à base de fruits de mer et de poisson, mais de portugais, vraiment, il n’y a que la quantité d’ail qu’ils y mettent !...Je n’ai jamais eu à manger, au Portugal, de plat aussi épicé !...Mais ces gambas grosses et dodues, qu’est-ce qu’elles étaient bonnes savourées ainsi face à la mer avec la douceur de sa brise !




Le quartier est un peu éloigné du centre de la ville, de notre pension. Le taxi que le restaurant appela pour nous, ne venant pas, c’est un des leurs, un monsieur dans la soixantaine qui nous conduit chez nous (mais c’est payant hein !). Il est beau le monsieur, il ressemble à un pirate ! Les cheveux blancs ramassés en une courte queue de cheval, lourde moustache blanche, et corpulence musclée par le dressage de la mer (je n’en sais rien, en fait…), son corps est un paysage de tatouages, comme d’ailleurs tous les autres que l’on a observé travailler dans les restaurants…et qui arrivent comme des caïds sur des motos. Nous avons bien sûr fait savoir que je suis portugaise. Je peux dés lors me vanter d’avoir, une fois au moins dans ma vie, été partie prenante d’une conversation en portugais du XVIème siècle ! Et cela fait vraiment bizarre ; j’avoue qu’il m’a fallu une bonne dose de concentration et…peut-être aussi, qui sait, un peu d’imagination… ! Enthousiasmé par la rencontre, le monsieur m’a montré des vieux ouvrages qu’il conservait dans sa voiture (peut-être toute aussi ancienne), notamment une des premières études, en portugais, à avoir été menée sur cette communauté luso-malaise. Quand je lui ai dis que le Portugal était un très beau pays, le monsieur a acquiescé et confirmé d’un air tellement conscient et sûr de lui que j’ai cru, un instant, qu’il y avait déjà été…La manière dont il en parlait…comme s’il en savait plus, ou autant que moi…Alors lorsque, surprise, je lui demandai s’il y avait déjà été, il me répond négativement, mais en se rattrapant il répond en portugais du XVIème siècle : « …mais j’ai vu dans les tableaux… ». De quel Portugal parle-t-il ? Cet être sortirai-t-il tout droit d’un bateau fantôme ?...Avec ravissement, je suis transportée dans une autre époque que je connais, profondément elle m’appartient, mais que j’ignore néanmoins tout à fait. Il y a une odeur de bois mouillé, un goût de sel sur mes lèvres…

De retour à KL, nous passons encore une nuit chez Rica qui nous a amenés se perdre dans un autre night market, avant la rencontre avec notre prochaine hôtesse, Ivy, à Klang, dans la région du port où accostera notre maison sous peu.






Ivy et David sont chinois et ont trois enfants, deux filles et un garçon. C’est une grande maison familiale au sein de laquelle ils cohabitent avec les parents de David, un de ses frères et son épouse. David a repris l’affaire familiale - un magasin de motos, à la grande joie de Vinh -, et Ivy a décidé de l’aider.




Ils travaillent dans les 12 heures par jour…et malgré cela ils ont quand même pris le temps…de nous amener manger de délicieux plats ! Et nous allons en crescendo - c’est bien, mon estomac qui s’était rétréci suite à l’expérience pakistanaise avait besoin de temps pour s’adapter et n’a pas crié longtemps clémence ! -, parce qu’Ivy et David, eux, ils aiment vraiment, vraiment, manger !!...Des fondues de fruits de mer, des soupes de nouilles, des nouilles sautées avec des légumes et du porc, des brochettes de viande caramélisée, des wantan, du poisson frit enroulé dans des feuilles de banane, des crêpes indiennes à la banane au petit-déjeuner, tout y passe et c’est absolument délicieux ! Ah oui, très important à savoir, lorsque je parle des repas que nous avons dégustés en Malaisie, ce n’est jamais à la maison ! De manière générale, on mange à l’extérieur, dans les food-courts. C’est tellement bon marché.




La journée nous continuons de visiter KL, ses Batu Caves - temple enchâssé dans les caves précédé de la montée, à pic, d’au moins 400 escaliers sauvagement habités par des singes et protégé majestueusement par une immense statue de Batu, dieu appartenant au panthéon indien -, le joli jardin tropical aux papillons de mille couleurs, le jardin aux orchidées, et même le quartier « hype » bardé de centres commerciaux pantagruéliques et surpeuplés - des vrais frigos – que je n’ai même jamais vu en Europe, ni en termes de taille ni de modernité ou de luxe…à la sortie de l’un de ces derniers, dans la rue, le soir tombant, nous avons même pu assister à une joute de capoeira menée par des brésiliens, mais aussi par des filles malaises, musulmanes, portant le foulard.
Kuala Lumpur est une jungle très moderne.






















Notre camion est arrivé un jour plutôt que prévu. C’est ici que se poursuit « Karachi – cauchemar, la suite ». Nous vous épargnerons une fois de plus les détails technico-administratifs. Ce dont on a pu se rendre compte, et qui nous a été confirmé par nos hôtes, c’est que l’administration malaise c’est un sacré cauchemar. Ajoutons-y l’insurmontable difficulté de communication. Les malais (ici, on ne parle donc pas de la communauté chinoise ou indienne, mais bien des malais-malais, musulmans), pour la plupart, ne parlent point l’anglais. Franchement, même si l’égoïsme du voyageur pourrait l’amener à s’en impatienter, nous ne pouvons pas vraiment leur en vouloir de ne pas parler la langue de Shakespeare. Pourquoi le devraient-ils ? Ce qui est exaspérant - mais là encore cela provient peut-être d’un trait culturel que nous interprétons à tort à partir de nos propres critères…mais bon sang qu’est-ce qu’il peut être affligeant… ! -, c’est que confrontés à l’étranger parlant anglais, le fonctionnaire ou le vendeur malais s’encombre d’une timidité toute puérile faite de petits ricanements avec le collègue, d’un « je renvoie la balle à mon collègue » qui ne se débrouille pas mieux. Et devant la difficulté, ils restent dans une inaction qui, nous avons l’impression, ne fait appel à aucun effort d’imagination ou de débrouillardise. Au point que, parfois, rentrés dans un magasin, voulant une information on se trouvait souvent seuls, les vendeurs prenant la poudre des escampettes, s’affairer subitement à toute autre chose et évitant de croiser notre regard et lorsque nous leur courons après, avant même d’aller plus loin que le « Hello, do you… », ils nous gratifient déjà d’un geste signifiant l’impuissance et l’incompréhension. En tout cas, on y a pas la hâte de vendre…
Lorsqu’ils y sont obligés, comme dans l’administration ou l’agence de shipping en charge du transport de notre camion, ils font semblant de vous écouter et déblatèrent leurs explications toutes formatées en espérant être quittes. Pas possible donc d’attirer leur attention sur une particularité ou de demander une information. Lorsque vous essayez, ils prennent une posture de « c’est comme j’explique et pas autrement ; ne déblatère pas je connais tout ceci mieux que vous ». Le problème, c’est que ce n’est pas souvent le cas. Donc, lorsque nous avons voulu récupérer notre camion, les problèmes ont commencé car l’agence a voulu que nous fassions appel à un agent qui serve d’intermédiaire - c’est comme cela que ça se passe dans le cas des importations -, ce qui est très couteux. En préparant notre voyage nous nous sommes informés à ce propos ; nous savions donc que dans les cas comme le nôtre il s’agit d’une importation temporaire. Ce qui fait la différence c’est que nous sommes en possession du fameux carnet de passage en douane. Mais bon, tout cela nous l’avons appris dans les forums et sans beaucoup de détails…Quand la fonctionnaire en question nous a dit que d’abord nous devions prendre un agent, puis entamer toute une série de démarches dans d’autres administrations nous n’avions pas d’autre alternative que suivre ses indications. Pour l’agent néanmoins nous étions sûrs de ne pas en avoir besoin, ce que nous avons prouvé en appelant l’agent qu’elle nous recommandait et en le lui passant pour qu’il lui explique…Pour les autres démarches, elle nous a envoyé à droite, à gauche…Il faut savoir qu’à l’extérieur de Kuala Lumpur, les lieux sont très mal desservis en transports publics…(ah, hypocrite modernité !). Une fois, alors que nous attendions le bus depuis une heure, nous en avons parlé avec d’autres usagers qui attendaient. Ils nous ont dit que parfois ils attendaient 3 heures, il n’y a pas vraiment d’horaire. À cause de cela, nous avons perdu des journées sans pouvoir attendre un endroit, lorsque nous y parvenions on nous apprenait que nous n’avions pas besoin de passer par chez eux, nous avons dépensé beaucoup d’argent en taxis qui - et que les plus « relativistes » nous le pardonnent - sont parmi les espèces les moins scrupuleuses de commerçants. L’agence nous a en outre renseigné un mauvais port de débarquement…et les ports sont très éloignés ; ce qui nous a fait perdre une journée supplémentaire. Lorsqu’enfin nous étions quittes de paperasseries inutiles et que nous étions dans le port avec le technicien qui n’attendait plus qu’une autorisation de l’agence pour libérer le container, celle-ci réclame de l’argent pour pouvoir le faire. C’est une garantie au cas où le container se trouverait endommagé par le transport de notre camion…Sauf que, la garantie en question (dont le montant était stipulé dans un document que nous avons signé), nous l’avons payée le premier jour où nous nous étions rendus à l’agence ! Cette fois, au téléphone, ils disent qu’il faut plus d’argent…parce que nous ne sommes pas résidents en Malaisie ! Il fallait le dire le premier jour lorsque nous avons payé la première somme et non pas une heure avant que l’on récupère notre camion ! Evidemment, ils ne veulent rien entendre…et c’est le week-end qui arrive ce qui veut dire que nous dépassons les jours de stockage du camion dans le port et que nous devrons payer une amende.

Pendant tout ce temps, Ivy et son mari nous ont aidés en multipliant les coups de fil, plus facile, ils parlent la langue…Et lorsque nous leur livrions nos mésaventures, j’étais surprise de ne pas lire un peu de révolte dans leurs visages. En place et lieu de cela, un petit rire ironique, une moue complice et connaisseuse. C’est qu’ils sont habitués. D’après nos hôtes c’est comme cela que ça se passe avec l’administration car on n’y engage que les malais. Par leur nombre et leurs droits de « natifs », les malais sont plus proches du pouvoir. Droits de « natifs » ?? Nous pensions que tout le monde se traitait en égal ! Apparemment, les malais bénéficieraient de davantage de droits liés au fait qu’ils sont les « vrais » malaisiens. Ont leur facilite l’accès aux administrations, les loyers sont moins élevés pour les malais ainsi que les soins de santé. Les autres doivent, en outre, payer plus de taxes. Mais on en a besoin des chinois, des indiens…Les premiers sont la force économique, les seconds…et bien ils assument peut-être la part de misère que l’on n’a pas envie de voir en tant que pays en voie de développement. Et moi qu’avait cru voir une belle entente ! qu’est-ce qui fait que toute cette populasse discriminée de manière si claire ne se révolte pas et exige une égalité de traitement ? On les a quand même fait venir il y a longtemps, ces chinois et ces indiens, pour travailler leurs terres et dans leurs mines ; eux aussi - surtout ? – ont bâtie la Malaisie d’aujourd’hui ! (…ça vous rappelle quelque chose… ?). Et bien, les Chinois auraient l’auraient tenté il y a des années de cela. Et auraient sévi. Sous les coups, dans le sang. Et puis, - mais cela relève de mon interprétation -, il y a les temples…cette mixité dont on ne réprime aucune forme d’expression particulière…Cela rend sage et garde les esprits bien au calme dans la prière et l’habitude réconfortante de la pratique des coutumes personnelles.




Nous avons quitté la maison familiale un jour de commémoration.
Je ne sais pas si vous le savez, la plupart des bouddhistes ont adopté certains rites animistes qu’ils pratiquent lors d’occasions bien précises. Le culte des ancêtres en est un. Chaque année, à la date du décès d’un parent, on commémore sa mort en exécutant une série de gestes (brûler de l’encens, prière,…) et en leur faisant des offrandes (de la nourriture par exemple dont l’ancêtre en consomme l’essence…), à l’endroit de l’autel qui leur est réservé et décoré avec leur photographie et un pot dans lequel on plante le bâtonnet d’encens allumé. Ensuite, la famille partage une espèce de banquet. J’avais déjà eu l’occasion de participer à une de ces commémorations dans la famille de Vinh. Dans la famille d’Ivy cela se passait substantiellement de la même manière à quelques différences près vu qu’ils sont chinois. Ici, on leur offre aussi des petits bouts de papier argenté qui est sensé représenter l’argent…Les Chinois aiment l’argent.
Donc, les Chinois aiment les shorts, la nourriture et l’argent. Rica nous avait un peu parlé de ces « passions »…non, enfin, des deux dernières parce que les shorts…ça relève plutôt d’une vue personnelle…et ce n’est pas vraiment intéressant...! Selon elle, le goût pour la nourriture comme celui pour l’argent (vu plutôt sous des termes « prospérité sociale ») relèverait du même sentiment d’insécurité transporté depuis des siècles. J’ai essayé de creuser plus profond, mais ça n’a pas marché.

Mais la nourriture, j’aime ça moi aussi. Tant mieux parce que le banquet qui suivît la commémoration fût vraiment délicieux ! Et voilà qu’on te remplit le verre d’un liquide douteux au goût âpre et doucereux à la fois et qu’on rit aux éclats lorsque tu fais la grimace…C’est de l’alcool de coco. Très rare et très cher car le procédé de fabrication nécessite quelques courageux prêts à mettre leur vie en danger. Et rebelote, on te sert de la bière…puis du cognac…Ils aiment bien voir l’effet sur nos têtes et insistent pour qu’on exagère en tout, en nourriture aussi. Pas de problème en ce qui me concerne, mais…ce n’est pas très bouddhiste tout ça !
C’est dans les rires et les encouragements pour le reste du voyage (ils nous trouvent fous de voyager sans air conditionné !) et dernières photos de notre camion qu’on nous laisse partir sous les 35 degrés, gavés comme des oies et Vinh…rouge comme une pivoine.






Cap sur Taman Negara, la plus vieille forêt tropicale du monde. Expérience assez décevante somme toute. Très touristique, très cher, à la nourriture exécrable, mais bon, je vous l’accorde : nous avions fait nos réserves. Nous nous contentons de quelques promenades sous quelques arbres balaises et touffus, dans une torpeur super humide qui ne prête pas à l’exercice et cadencé par le chant ou les « bruitages » d’insectes et oiseaux inconnus. Mais ne soyons pas défaitistes, c’est la première fois que je me trouve dans la jungle !...Pour ne pas faire défaut à notre aura d’aventuriers, nous décidons de sortir des sentiers de promenade et de nous engouffrer prudemment dans la jungle car elle est connue pour receler des animaux sauvages que nous aimerions juste apercevoir…Des léopards, des tapirs, des serpents, etc. Mais le seul animal qui croisa notre chemin - et en masse – furent les sangsues qui nous laissèrent les chaussettes ensanglantés ! Les aventuriers, après une demi-heure hors des sentiers battus rebroussèrent chemin en poussant des petits cris de dégoût – en ce qui me concerne – et en vérifiant leurs chaussures tous les 5 mètres… ! Arrivés à terme, nous nous sommes même vérifiés l’ensemble du corps et Vinh a failli tomber en syncope lorsqu’en vérifiant derrière ses oreilles je m’écriai en apercevant un gros corps brun et adhérant…qui n’était autre chose que le bout du montant de ses lunettes !










Ne voulant pas être en reste de notre esprit d’expédition, nous entreprîmes le jour suivant la traversée du canopi, qui est un des plus longs ponts en corde suspendu qui existe (dans les guides c’est toujours « le plus long », « le plus grand », « la plus ancienne », « la plus belle »…). 5 personnes à la fois seulement, même en arrivant tôt nous dûmes attendre qui passent les 200 aventuriers qui attendaient devant nous.






Ensuite, et enfin, ce que nous attendions depuis longtemps : direction les plages bleu azur !

Première halte à Cheratine, pas vraiment bleu azur - plutôt verte mousse l’eau (mais qu’est-ce que ça fait du bien quand même !) -, mais village charmant aux bungalows en bois montés sur pilotis et à la nourriture délicieuse.

Les eaux transparentes nous attendaient plutôt aux îles Perenthian. Petite folie que l’on s’est permise : laisser la voiture et partir en bateau dans une île réputée pour ses beaux spots idéaux pour le snorkeling. Nous avons logé à la petite auberge toute en bois – on y imaginerait des pirates - D’Lagoon, isolée sur un petit bout de plage charmant entouré par la jungle.






Quand le soleil se couche sur l’eau claire, dans ce petit bout de Terre détaché du monde, un silence infini invite à l’intériorité.




Puis, dans le réconfort d’un repas, la musique de plus en plus fort de la pluie qui s’abat sur les toits et les grandes feuilles des bananiers. Une grande averse qui trempe tout, même les rêves de l’âme. Soudain, un étrange chant . « y-o, y-o ». Non ce n’est pas un âne, c’est le gecko ! Ce petit lézard à la peau translucide, bienfaiteur des touristes parce qu’il gobe des moustiques !…Il y aura-t-il d’autres animaux inconnus qui viendront rôder autour de nos maisons en bois… ? Le mystère de la nuit ne le dévoilera jamais…

Par contre, la sauvage et humide clarté du jour, ne tardera pas à nous le révéler !
Il y a d’autres plages dans les alentours que nous avons envie d’explorer. Nous décidons d’entreprendre la marche vers « Turtle beach ». Je trotte devant en sifflotant (la jungle ?? Même pas peur, je connais les sangsues !). Un effrayant et mystérieux râle, comme le souffle d’un chat lorsqu’il est très, mais alors très fâché, m’arrête sur le champ. Bon instinct qui est le mien. À 20 centimètres de mes pieds, un énorme, géant, lézard…En fait, l’ancêtre des dinosaures. Son nom : varan ou comodo. Il me barre la route les malotrus ! Et il me regarde du coin de son œil placide, et trop sûr de lui à mon gout, en sortant sa longue langue fourchue toutes les deux secondes. Ni une, ni deux, je fais un demi-tour tout rigide car mes jambes, j’avoue, perdent un peu de leur connaissance à la vue de cette créature nouvelle présentement introduite dans mon monde qui n’admet pas, d’ordinaire, les monstres laids. J’ai prévenu mon chevalier qui, têtu comme il est, entreprend de décider de changer l’itinéraire de la bête. Mais…il n’est pas si sûr de lui. C’est hésitant qu’il essaye de l’effrayer avec un bâton ou des battements de pieds (c’est vrai que les slashs de Vinh auraient pu effrayer la bête – elles sont vraiment moches -, mais celle-ci ne se laisse pas impressionner). Les efforts de mon chevalier sont vains. La bête riposte en râles terribles et on croit distinguer une stratégie dans son lent changement de position…On rebrousse chemin.




À l’auberge, nous apprenons d’une nouvelle copine qu’on s’est fait que le varan est très agressif. Il peut tuer un taureau (attention Vinh !). Mais il ne le fait pas sur le champ. Il les mord. Sa salive contient une bactérie très nocive et en fait, la victime finit par, lentement, pourrir sur place.

Nous passons des heures infinies dans l’eau avec nos lunettes et notre tube-bas à observer le monde sous-marin qui ne se lasse pas de nous enchanter. Un peu effrayant, mais mystérieux, il nous attire de plus en plus loin, dans ses cavernes immergées, ses tunnels ; le bleu-azur est empli d’un silence grouillant de Vie qui repose l’esprit, empêche de penser, comme si nous étions à peine deux yeux perdus dans l’océan. Des poissons arc-en-en ciel, luisants comme pour un défilé de divas, sympathiques ou renfrognés, petits et rapides ou gros et lents comme des petits vieux qui ne cherchent plus grand-chose…Des requins (gentils), des anguilles, des raies, des petits bizarres qui nous regardent comme des humains apeurés lorsqu’à notre passage, ils s’enfuient pour se cacher sous des pierres…des poissons clowns et d’autres qui ne le sont pas mais qu’essayent de s’y mettre et des coraux, rouges, bleus, verts, des bouches charnues qui s’ouvrent lorsqu’on les effleure, des concombres de mer, noirs et mous qu’on a pas vraiment envie de toucher avec nos orteils…Tout ce petit monde bien à l’abri dans un silence bleu balayé par quelques rayons d’or qui, en soif de magie, parviennent quand même à percer à travers.

Romantiques et amoureux que nous sommes et n’ayant pas très envie de croiser notre ami le varan, nous décidons de découvrir une autre plage : « Adam and Eve beach ». On compte bien y passer la journée - il paraît qu’elle est magnifique -, nous prenons donc un pique-nique. Nous sommes seuls sur cette plage d’une beauté saisissante, quel bonheur ! Cependant, le bonheur est de courte durée, nous recevrons une visite peu courtoise. Un singe convoitait notre pitance. Généralement, il suffit de leur faire peur, mais celui là est obstiné ! Devant Vinh qui fait le grand et puissant, il saute, montre ses dents, grogne…et ne s’en va pas. Même un bâton ne lui fait pas peur. On voudrait cacher le sac, mais il reste là à nous tourner autour. Bref, après des menaces et intimidations terribles de part et d’autre, on n’entrevoit qu’une solution : les singes sont comme les chats, ils ont peur de l’eau. Vinh entreprend donc de nager afin d’atteindre un ensemble de rochers plus loin où il cachera notre pique-nique. Le singe s’arrête là où commence l’eau. Comme les chats, hésitant il y trempe une patte puis bondit en arrière. Nous crions déjà victoire que le singe, on ne sait pas ce qui lui prend, se met à nager la brasse en direction de Vinh ! J’aperçois Vinh qui subitement écarquille les yeux, au milieu de l’eau, un bras tendu vers le ciel pour ne pas mouiller notre pique-nique, et qui se rend compte qu’il est poursuivi par un singe dans la mer !! Une angoisse pareille à celle que l’on ressent en regardant un film d’horreur prend possession de moi, lorsque je vois le singe nager de plus en plus vite vers Vinh et cette fois, sous l’eau !! C’est une course poursuite qui s’engage, Vinh escalade les rochers et la lutte, féroce, s’y engage…mais ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire la grimace…Le singe ayant grimpé sur une haute branche pour faire encore plus peur à Vinh (et peut-être même lui sauter à la figure en dernière instance !), ce dernier jette une pomme dans la jungle et s’est ainsi que notre ennemi nous a permis de cacher notre nourriture et nous a laissé un peu de répit…Assez en tout cas pour se rendre compte de la beauté de cette plage, dont il entendait ne pas nous laisser profiter…puisqu’il est revenu. Plusieurs couples y ont fait arrêt pendant la journée, tous sont partis au bout de 20 minutes d’harcèlement. Nous avons tenu quelques heures puis, avons convenu que cette plage, et bein.. ce n’était pas si paradisiaque que ça.






Les animaux sauvages n’auront pas raison de nous, le jour suivant on tente une nouvelle incursion dans « Turtle Beach » avec Karen. Réussie cette fois, et bien réussie puisque nous avons assisté à un coucher de soleil qui a fait sortir les sirènes de leurs cavernes sous-marines. Les mots ne peuvent pas le décrire, laissons la place aux images…










Notre séjour en Malaisie est sur sa fin. On fait halte à Kota Bahru, dernière ville avant la frontière pour y faire nos visas thaïlandais.
Un jour qu’on revenait d’une promenade pluvieuse, quelqu’un est posté devant notre maison. Le fort gaillard, c’est Kamaro. Le magasin de sa femme est de l’autre coté de la route, on lui a parlé de cet étrange camion resté là toute l’après-midi et il s’est inquiété pensant que les propriétaires étaient à l’intérieur, malades ; puisque c’était, selon lui, un drôle de bivouac que cette place là…
Il n’a pas fallu deux minutes pour qu’il nous invite à bivouaquer chez lui. Il veut nous montrer ses voitures, sa Land-Rover et…je ne sais plus quoi. Kamaro, est très, très riche. Il est malais-malais et rêve de faire un voyage comme le nôtre…d’ailleurs, il est en pleine préparation. Mais son rêve se conjugue autrement que celui que nous sommes en train de réaliser. Dans son grand camion fignolé à la perfection, il aura tout, jusqu’à la place pour héberger les deux chauffeurs qu’il compte amener avec lui ainsi que sa femme. En outre, un agent s’occupera des tracasseries administratives à sa place.
Qu’à cela ne tienne, Kamaro est très jovial, serviable et généreux. Il nous offre tous les repas malgré notre insistance à payer, la douce léthargie d’un moment à fumer la chicha, et il est prêt à user de ses relations si jamais nous rencontrons un quelconque problème. D’ailleurs, il a réglé les menus travaux que nous avons fait faire sur le camion dans un garage de sa connaissance.







Le dernier soir, il nous a amené manger avec sa famille et ses amis sous les lampioles au bord de la rivière et appris à cette occasion qu’on pouvait faire fuir les moustiques en brûlant du carton à œufs…dans la fumée duquel nous avons encensé Vinh toute la soirée. Cette dernière s’est terminée sous une averse torrentielle qui nous a obligés à tous se serrer autour d’un parapluie géant en poussant des gloussements euphoriques d’une joie toute enfantine…Celle qui va avec les éclaboussures impromptues d’une pluie froide et salvatrice.

1 commentaire:

Charlotte a dit…

He bien, quelle aventure épique.. raconté par tes soins c'en est presque drôle, même carrément, je viens de me taper un fou rire de 5 min avec l'histoire du singe qui nage, quelle histoire!Désolée Vinh :-D

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